Unframed Collection est partenaire des Numix Lab, un événement itinérant en Europe qui emmène chaque année des professionnels et experts de la création immersive à la rencontre des lieux de culture des pays hôtes. En 2024, c’est l’Allemagne qui accueillait +250 personnes, avec une intense semaine d’échanges et de découvertes entre Munich, Leipzig et Berlin ! A cette occasion, rencontre avec Philippe Rivière, directeur du numérique pour la fondation Art Explora en France, fondation reconnue d’utilité publique créée voici cinq ans.
Acteur désormais incontournable de la dissémination culturelle en France et en Europe avec une forte dimension pédagogique, Art Explora a connu une année chargée avec le déploiement d’un festival itinérant (d’art numérique et de VR) à bord d’un voilier en méditerranée et bien d’autres dispositifs itinérants pour partager encore plus la culture auprès de tous les publics.
Art Explora sur terre et en mer : la diffusion artistique en toute mobilité
Philippe Rivière – Art Explora ne gère pas de lieux fixes pour le moment, mais travaille sur des dispositifs en mobilité, avec par exemple des camions-musées transportant des expositions. Nous avons un partenariat à long terme avec le Centre Pompidou, ou encore un autre camion qui tourne avec le fonds des différents fonds régionaux d’art contemporain (FRAC).
P. R. – Nous organisons aussi des itinérances en Angleterre, avec comme partenaire la Tate Modern. Notre concept repose réellement sur des expositions réalisées en étroite association avec les conservateurs des lieux concernés. Nous visons des petites villes, sans réelle offre culturelle pérenne. Nous y déployons de vrais espaces d’exposition éphémères, pour y accueillir par exemple en semaine des classes entières, des primaires (neuf à douze ans) qui peuvent ensuite revenir avec leurs parents, leurs frères et sœurs, etc.
P. R. – Et le week-end, c’est journées portes ouvertes pour qui veut. Ce sont des dispositifs déjà éprouvés et qui fonctionnent très bien. Nous développons de nouveaux circuits avec de nouveaux partenaires, à suivre… Et il y a désormais un autre dispositif itinérant en Méditerranée, celui de notre Art Explora Festival qui s’organise autour du bateau-musée et d’un village culturel que nous déployons dans un port avec une programmation de spectacles vivants pour valoriser la scène locale à chaque fois. C’est vraiment confié à des commissaires locaux pour travailler vraiment localement, avec des artistes différents à chaque étape.
P. R. – Ce bateau, c’est un vrai concept d’immersion embarqué, avec une immersion sonore comme une carte postale de la Méditerranée réalisée avec l’IRCAM amplify. Sur le pont principal, on a une exposition numérique que l’on a produite avec le musée du Louvre, Présentes, qui traite de la représentation des femmes dans les cultures de la Méditerranée.
P. R. – La tournée a débuté au printemps 2024, avec ces deux formats. On commence par un format plutôt pédagogique, avec un audiovisuel plutôt dynamique pour s’adresser à tous, qui donne les clés de compréhension de la thématique des œuvres qui vont être découvertes. Puis les visiteurs entrent dans la salle immersive qui est une salle complètement recouverte de LED, qui va donc travailler sur la matérialité des œuvres et nous amener à des confrontations vraiment très fortes. On joue sur les émotions. Nous avons pu numériser plus d’une cinquantaine d’œuvres en 3D directement dans le musée du Louvre, avec du son spatialisé qui vient envelopper le tout. On est vraiment sur de l’inertie émotionnelle à partir de contenus produits par le musée du Louvre.
Horizon 2026 : vers un projet de lieu à Saint Ouen
P. R. – Si je suis présent au Numix Lab cette année, c’est justement rencontrer des lieux, des coproducteurs, des créateurs à l’échelle européenne. C’est vraiment la magie de cet événement, et de ces 20 pays réunis sur une semaine. Car Art Explora va ouvrir d’ici deux ans environ son premier lieu fixe dans ce qui est aujourd’hui la nouvelle gare de Saint-Denis Pleyel (la plus grande gare du métro en proche banlieue parisienne). C’est un lieu très proche de Paris par la nouvelle ligne 14 notamment, et très accessible, qui a ouvert cet été à l’occasion des Jeux Olympiques.
P. R. – Au-dessus de la station de métro en elle-même, il y a un très beau bâtiment de 4 étages qui représente environ 5000 mètres carrés. On va dédier 70% de l’espace à l’immersivité et aux arts visuels avec des espaces d’exposition immersifs collective, un étage de démonstration de produits qui sert donc là un espace permanent, et donc avec une programmation qu’on imagine changer tous les trois ou quatre mois, en complément des résidences d’artistes – pour les artistes qui veulent passer au numérique. Dans ce sens, il est également prévu un étage d’incubateur avec une vision new media et intelligence artificielle pour créer d’ici deux ans un écosystème vraiment tourné sur le digital.
L’évolution des pratiques immersives, vers l’hybridité des oeuvres ?
P. R. – Se projeter dans l’avenir est complexe, mais d’ici deux ans on peut imaginer une accélération dans l’innovation et l’hybridité des formats. Donc proposer de la VR, de la projection à partir d’un même contenu ou dans une même exposition, avec une évolution dans différentes salles, tout cela de la part des mêmes créateurs ou dans les demandes des mêmes lieux de diffusion.
P. R. – Tout est en train de se structurer et les collaborations se diversifient énormément. Beaucoup de gens, beaucoup d’institutions, de lieux veulent découvrir tous ces univers. On ne peut pas y aller seul, ou difficilement. Donc c’est vraiment via ces partenariats internationaux que l’on va permettre d’avoir des contenus plus forts, qui peuvent être proposés à plusieurs endroits et surtout tirer parti de ces itinérances de contenus qui permettent sur la longue traîne d’avoir un retour sur investissement correct par rapport à des investissements de base qui restent conséquent.
Art Explora : retour sur les Numix Lab 2024
P. R. – J’ai la chance d’avoir participé aux Numix Lab dès la première édition. J’ai vu l’évolution de cet événement, qui est passé de quelque chose d’assez francophone avec le côté Québec et France associé, et est devenu quelque chose de très international, super européen depuis l’an dernier et cette édition en particulier en Allemagne.
P. R. – De ce que l’on voit à Munich, ou en Europe centrale pour aller un petit peu plus loin, on a vraiment une multiplicité d’acteurs européens très dynamiques. De Malte aux pays baltiques par exemple. Il y a vraiment quelque chose d’intéressant. Et les différents formats que proposent les Numix Lab entre des tables rondes très collectives en matinée, des sessions avec des présentations un peu plus classiques, puis chaque après-midi toutes ces visites de lieux sont vraiment très propices à l’échange. À chaque fois on revient avec plein d’idées, des personnes à contacter avec lesquelles travailler, ou continuer à réfléchir. C’est toujours une semaine très intéressante.