Le mois dernier nous revenions sur le succès de “La Palette de Van Gogh” au musée d’Orsay, avec plus de 40 000 entrées en 4 mois. L’exploitation réussie de l’expérience VR, parfaitement intégrée à l’exposition événement autour de l’artiste, n’a été possible que par une étroite collaboration entre les équipes des musées d’Orsay (Service des publics, innovation numérique, communication et sponsoring) et Unframed Collection. Avant la publication de l’étude des publics réalisée à cette occasion, retour qualitatif et quantitatif sur un modèle de diffusion muséale de la réalité virtuelle adaptée au contexte.
Ont participé à cet article, pour le musée d’Orsay :
Guillaume Blanc, Directeur des Publics
Florence Midy, Adjointe au Directeur des Publics
Thomas Porreca, Chef du service marketing
Elyse Charvin, Chargée de la data et de l’expérience visiteur
La direction des publics travaille sur les enjeux de médiation et d’éducation au sein du musée, qu’il s’agisse de signalétique, de la billetterie, d’accessibilité aux œuvres (notamment pour les personnes en situation de handicap) et d’organisation de rencontres autour des œuvres et des expositions.
Retour sur les apprentissages et actions menés autour de l’exposition
“La palette de Van Gogh” était la première œuvre VR présentée au public du musée d’Orsay. Pour les équipes, c’était une nouvelle discussion à initier autour d’un dispositif innovant afin de bien cerner la façon dont il fallait récolter les données. Et c’est encore le cas avec l’exposition en cours “Un soir avec les impressionnistes. Paris 1874” qui a démarré en mars 2024, avec une jauge de visiteurs plus importante et un dispositif différent (en déplacement libre, ou free roaming). Mais l’analyse quantitative et qualitative finale rejoint les études précédemment réalisées autour d’expositions plus traditionnelles.
L’investissement des musées dans les expériences numériques n’est pas nouveau. Mais le numérique doit apporter un autre regard sur les oeuvres. Dans cette idée, le chapitre VR de l’exposition Van Gogh est intéressant car c’est une introduction aux tableaux exposés et à l’univers de l’artiste. On y découvre sa technique, sa sensibilité, une partie de son intimité. Les deux expositions sont alors complémentaires, et c’est profitable pour le public. Utiliser d’autres outils sensibles pour amener les visiteurs à mieux comprendre Van Gogh dans les derniers mois de sa vie, c’est une formidable possibilité. On constate une émotion partagée entre l’expérience en réalité virtuelle et l’exposition (notamment grâce à la narration qui fait référence aux lettres échangées entre l’artiste et son frère).
“La Palette de Van Gogh” a été mise en avant par les équipes du musée comme un contenu complémentaire à l’exposition globale, car l’expérience reste d’une durée courte (10 minutes). Il était proposé un package pour les visiteurs qui pouvaient découvrir à la fois l’exposition traditionnelle (présentant les tableaux de l’artiste) et l’expérience VR attenante. C’était une proposition de médiation complémentaire qui a également été vendue séparément, directement sur place dans le musée, pour les visiteurs qui découvraient la proposition au moment de leur visite (30% des entrées) .
Pour le musée d’Orsay, il y a une logique d’aller vers de l’innovation technologique au cœur de ses grandes expositions. Le sujet lié à Van Gogh offre en effet un contexte parfait pour discuter de ses grandes avancées artistiques, entre un 19e siècle foisonnant de révolutions techniques dans le domaine des arts et de la peinture, et un 21e siècle où de nouveaux formats émergent. Un musée reste un lieu en phase avec les évolutions sociales et techniques, et a pour vocation d’accueillir de tels dispositifs.
L’opportunité d’explorer de nouvelles manières de communiquer autour des expositions
“La Palette de Van Gogh” a bénéficié de la même mise en avant que l’exposition classique côté billetterie en ligne, avec la possibilité d’un achat combiné pour les visiteurs intéressés. Pour l’équipe des publics au sein du musée, il y a eu de vrai apprentissage quant à la gestion de créneaux et jauges plus resserrés, mais aussi dans la communication autour du format VR. Côté communication et promotion, les actions menées ont été relativement classiques, mais avec quelques ajustements. Les activations augmentées ou IA autour de l’exposition Van Gogh, avec la VR, intégrait une ambition très “web3” qui amenait de nouvelles cibles ou mot-clés. On ne parle pas ici de révolution, mais de nouveau vocabulaire à intégrer côté communication.
Une newsletter dédiée, plus longue qu’à l’habitude, a été rédigée autour de “La Palette de Van Gogh”. Pour les publications sponsorisées en ligne, sur les réseaux sociaux, il a fallu travailler de nouveaux contacts, de nouveaux messages. Il y a eu également un travail du pôle Presse du musée autour de l’innovation et des nouvelles technologies, avec une revue de presse très importante sur ce point. Un vrai exercice d’aller chercher de nouveaux journalistes, de nouveaux médias qui ont pu s’intéresser à l’activité du musée à travers le prisme de la réalité virtuelle.
L’agence PR de HTC Vive Arts (co-producteur de l’œuvre et mécène de l’exposition) a également joué un rôle important pour toucher une presse plus internationale et des influenceurs du secteur numérique.
Il est essentiel de favoriser la création de vrais contenus, validés par l’équipe scientifique du musée et à valeur ajoutée artistiquement, qui permettent d’engager un dialogue avec les visiteurs. Le numérique ne doit pas être un gadget, mais un vecteur d’apprentissage et d’émotion dans l’approche des œuvres.
Côté public : un très fort taux de remplissage
Le musée d’Orsay a pour habitude d’avoir de très bons retours du public, mais le taux de satisfaction sur la partie VR est excellent. C’est un critère important, car l’enjeu ici est de pouvoir intéresser un nouveau public, le faire venir et lui permettre de découvrir le musée et ses collections. Cela participe à sa mission de service public. A ce titre-là, c’est réussi avec un taux de satisfaction à 98% mais aussi une vraie reconnaissance du musée d’Orsay comme un lieu légitime pour proposer de l’innovation et des expériences immersives à destination du jeune public, des familles. En effet, 94% des personnes interrogés trouvent que le musée d’Orsay est légitime pour proposer des expériences immersives.
La vraie innovation côté exploitation résidait dans la fréquentation par créneaux organisée pour proposer “La Palette de Van Gogh” : 12 créneaux toutes les 20 minutes. La jauge très différente des événements du musée d’Orsay a demandé un vrai travail en amont, et une belle réactivité sur place pour favoriser le confort de l’accueil et des passages sous les casques. On note un fort taux de remplissage de la partie VR, accompagnant l’exposition record pour le musée d’Orsay. La gestion des flux a donc été un enjeu primordial alors que tout était organisé au même endroit (et les spectateurs de la VR avaient une priorité d’accès à l’exposition – un vrai avantage lorsqu’une file d’attente existait).
Pour anticiper le “no-show” ou annulation de dernière minute, un kiosque d’accueil a été installé à l’entrée de l’espace proposant l’expérience en réalité virtuelle. Il permettait la vente directe de billets pour la partie immersive (près de 30% des billets vendus !), évitant au public de repasser par l’entrée du musée. La jauge envisagée laissait également quelques sièges disponibles sur certains créneaux, qui ont pu être proposés en dernière minute à la vente, une option impossible à vendre en ligne. Par la collaboration entre les équipes de la VR, de la billetterie en ligne et à l’entrée, et ce desk à l’espace immersif, le remplissage a été maximisé et le confort du public favorisé.
Ce dispositif novateur pour une institution muséale répondait aux besoins d’une gestion des flux très précise pour bien accueillir le public. La mise en place de la réalité virtuelle à l’entrée de l’exposition a demandé également un travail de gestion des files d’attente, corrigées après le lancement pour répondre aux besoins des deux espaces. Le musée d’Orsay a par exemple décroché une galerie annexe pour laisser de la place aux visiteurs en attente, et favoriser une bonne cohabitation entre les deux parties. Mais l’offre était cohérente : la VR existait juste à côté de l’exposition traditionnelle, permettant une gestion commune efficace, sans être reléguée au second plan.
Renouveler les publics via les nouvelles technologies
Le public traditionnel du musée d’Orsay, plus âgé et familial, peut être intéressé par de nouvelles propositions artistiques – notamment par la réalité virtuelle, et “La Palette” ne dément pas cela.
L’attrait d’un public de plus de 55 ans pour l’innovation est un facteur intéressant à développer pour des institutions culturelles. On voit que tous les publics peuvent adhérer à ces propositions immersives et technologiques : sur “La Palette de Van Gogh” 30% des visiteurs du musée d’Orsay découvraient la VR pour la première fois !
Le musée d’Orsay a +35 000 adhérents, avec une moyenne d’âge élevée, et contrairement aux idées reçues c’est une base de publics qui demandent de l’innovation, des nouveautés. Le musée d’Orsay propose déjà des “pas de côté” en programmation, avec des séances de spectacles vivants et d’autres propositions d’animation dans le lieu. Ceci donne des indices concrets sur la poursuite de telles actions pour un établissement comme le musée d’Orsay, et la fidélisation de ces nouveaux visiteurs. Les œuvres d’art s’adressent à tout le monde, et le numérique est un levier désormais important pour ouvrir de telles discussions. De plus, le musée d’Orsay est membre du Pass Culture (dispositif national qui a pour but de favoriser l’accès des 15-18 ans à la culture). Offrir des contenus inédits dans un musée national, c’est un atout pour attirer des jeunes publics – au-delà du classicisme des expositions traditionnelles. “La Palette de Van Gogh” et “Les Impressionnistes” font partie de ce mouvement.
La réalité virtuelle fait partie des propositions intégrées aux actions du musée, qui offrent à chaque grande exposition un autre regard. Il faut bien évidemment que l’ajout de médiations innovantes fasse partie d’une ligne éditoriale cohérente pour que le public y adhère. Par ses propositions nouvelles, c’est une acclimatation du public aux dispositifs nouveaux médias du musée d’Orsay qui se fait. Et avec succès : plus de 20% du public de “La Palette de Van Gogh” est venu sur la simple promesse du bouche-à-oreille (via la famille, les amis…), plus de 10% de public de l’expérience est venu expressément pour la VR !