Cheffe d’orchestre et directrice artistique d’Insula Orchestra, orchestre en résidence à la Scène Musicale à Paris, Laurence Equilbey est continuellement en recherche d’innovation pour attirer de nouveaux publics vers la musique classique. Un challenge qu’elle poursuit depuis plusieurs années avec la réalité virtuelle, dont trois films VR réalisés pour soutenir ses créations (Mozart 360, Beethoven 360, Archi Beethoven – disponible sur le catalogue Unframed Collection), ou plus récemment avec le concert immersif Beethoven Wars qui mélange influence artistique classique et manga. Elle est également chef d’orchestre et directrice artistique du chœur Accentus, qui est lui en résidence à l’Opéra de Rouen-Normandie et à Paris.
Pourriez-vous revenir sur vos différentes productions immersives ?
Laurence Equilbey – Dès notre arrivée à la Scène Musicale avec le département des Hauts-de-Seine, nous avons voulu créer une constellation de projets ouvrant de nouvelles perspectives sur la musique classique. C’est ainsi que nous avons commencé à explorer la réalité virtuelle avec Mozart et Beethoven.
L.E. – Pour moi, l’innovation est au cœur de l’art. Dans l’histoire de la musique, comme dans celle des arts en général, il y a toujours eu des moments de rupture, des occasions de renouvellement. La musique classique, en particulier, est une clé permettant d’ouvrir de nombreux mondes. Mon objectif est d’inciter les jeunes générations à s’approprier cette clé. L’innovation devient alors à la fois une démarche artistique et une manière de rapprocher la musique classique d’un public élargi.
L.E. – La VR me fascine par le pont qu’elle établit entre les sensations uniques d’un concert en direct – avec ses vibrations si puissantes – et une expérience immersive accessible à un plus large public. Cette dimension m’intéresse beaucoup parce qu’elle peut activer des communautés totalement nouvelles. Et c’est un peu ce parcours que nous avons souhaité continuer pour un projet plus ambitieux, effectivement, Beethoven Wars avec Antonin Baudry, réalisateur venu du cinéma.
Comment collaborez-vous avec vos réalisateurs, avec les studios et les producteurs ?
L.E. – Il s’agit d’une véritable rencontre entre des univers différents. La musique classique et le spectacle vivant ne sont pas souvent associés au numérique ou à la réalité virtuelle. Cela demande d’abord d’adapter nos vocabulaires respectifs pour établir un langage commun. Une fois cette étape franchie, une passion commune émerge pour mettre en valeur la musique et le spectacle.
L.E. – Antonin Baudry, par exemple, est un réalisateur de cinéma. Mais une fois qu’il a découvert le spectacle vivant, il en est tombé amoureux ! Cela illustre bien la créativité des studios VR et immersifs, qui réinventent à la fois la musique, le cinéma et les technologies de pointe. Avec Beethoven Wars, nous avons mélangé les genres autour d’une partition exceptionnelle, créant un projet artistiquement stimulant. Nous avons même exploré le son binaural, qui immerge l’auditeur dans un espace sonore enveloppant, pour enrichir encore l’expérience.
Comment peut-on augmenter l’expérience musicale et quelle place peut jouer le son binaural / 3D ?
L.E. – Dans notre dernier projet VR, Archi Beethoven, nous avons intégré un format sonore immersif pour une sonate, une forme musicale qui a profondément inspiré les compositeurs du XVIIIe siècle dans leurs symphonies. Ce projet invite à explorer la musique en trois dimensions : il permet de plonger dans la structure musicale et de vivre une reconstitution immersive de la promenade de Mödling, ce parcours que Beethoven empruntait chaque matin autour de Vienne. C’est une vraie question de travailler en plusieurs dimensions. Cette fois-ci, c’est sur un morceau de la symphonie qu’on appelle Heroica. On a imaginé un vrai parcours immersif pour la personne qui fait l’expérience. C’est un extrait également très haletant, avec des parcours un peu dangereux – presque comme un accrobranche, avec la tyrolienne etc.
L.E. – J’aimerais qu’un tel projet puisse offrir une véritable immersion, où la musique et l’expérience interactive maintiendraient les participants en haleine. Cependant, cela pose des défis techniques liés à la conception, notamment en matière de 6DOF et de réalité mixte. Pour l’instant, nous n’en sommes qu’à l’étape conceptuelle, mais parvenir à adapter pleinement cette idée au médium serait une réelle satisfaction. Ce type d’expérience s’avère particulièrement fascinant pour les jeunes générations, qui semblent intriguées par ces approches novatrices. La réalité virtuelle, par son caractère transgénérationnel, ouvre des perspectives passionnantes, et c’est ce qui me motive à poursuivre cette exploration.