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Comment évaluer une expérience immersive ?

Au même titre qu’un parcours de visite, qu’une exposition temporaire ou que des activités de médiation, une expérience immersive peut faire l’objet d’une évaluation. Cette évaluation peut se réaliser à plusieurs niveaux. Un premier niveau peut consister à réaliser un diagnostic de l’expérience proposée. Cet audit pourra aider à trouver des pistes concrètes pour améliorer l’accueil, l’accompagnement et l’immersion des visiteurs. Un deuxième niveau peut permettre de mieux connaître ces visiteurs, leurs pratiques et la réception de cette expérience (étude qualitative des publics). Enfin, un troisième niveau peut permettre d’analyser ce qu’apporte cette expérience immersive en termes de notoriété, d’image mais aussi de développement des publics à un lieu (analyse de la fréquentation et des retombées de l’expérience). Cet article propose de revenir sur ces 3 niveaux d’évaluation en mettant à la fois en perspective les enjeux d’une telle démarche et les outils qui pourraient être mobilisés. 

  • 1er niveau d’évaluation : réaliser un diagnostic pour ajuster une expérience immersive 

Pour réaliser ce diagnostic, deux méthodologies peuvent être mobilisées : au préalable, une analyse de la bonne intégration de l’expérience immersive dans le lieu d’accueil (enjeu n°1), puis, une  étude des usages et pratiques des visiteurs (enjeu n°2).

Enjeu n°1 – Analyser l’intégration de l’expérience immersive dans un lieu culturel (audit des espaces et des aménagements mis en œuvre).

Une étude topographique d’un dispositif immersif, accompagnée de quelques prises de vues (photos / vidéos) peut permettre d’évaluer l’intégration d’un dispositif de réalité virtuelle dans un parcours de visite ou dans un espace dédié. 

Cette analyse peut être réalisée en amont de l’installation d’une expérience immersive ou suite à sa mise en place pour jauger de la pertinence de celle-ci (en lien avec le parcours de visite proposé ou avec la signalétique mise en œuvre). La formalisation d’une telle cartographie peut aider à anticiper les éventuels problèmes de convivialité entre dispositifs (ex : une douche sonore située à proximité d’un dispositif immersif qui viendrait parasiter l’expérience). Le fait de mieux situer l’expérience peut aussi permettre de noter les manques ou l’abondance de panneaux directionnels ou d’explications écrites proposées en plus de l’expérience. Enfin, elle peut aider à identifier les aménagements à réaliser.

A ce titre, l’expérience VR Chambord 360° est un exemple intéressant. Ce film VR de 12 minutes est proposé uniquement in situ aux visiteurs ayant pris un billet dédié. Situé dans un espace dédié du parcours de visite (chapelle au 1er étage), le parti-pris a donc été de faciliter au mieux l’accès à cette expérience. Pour autant, une analyse plus approfondie de ce plan de visite permettrait de voir dans quelles mesures la signalétique directionnelle est suffisante pour guider les visiteurs vers cette expérience et donner envie à d’autres publics de participer à cette expérience.

Plan de visite du Château de Chambord.

Installée dans une salle dédiée de 250m2 (pièce la plus vaste du château), le mobilier a été adapté (bancs sans dossiers pour tourner plus aisément à 360°), 28 personnes peuvent réaliser l’expérience par séance (60 casques VR à la disposition du château) – plus d’informations sur ce projet dans cet article de Culture Matin. Différentes prises de vues (photos / vidéos) pourraient permettre de mieux analyser la scénographie et les aménagements du lieu (dont le mobilier) et de voir dans quelles mesures l’accueil et l’accompagnement humain pourraient faciliter la prise en main du dispositif par les visiteurs. 

L’expérience Chambord 360° dans la chapelle du château de François 1er – Domaine National de Chambord. Photo © Olivier Marchant

Enjeu n°2 – Expérimenter et observer les visiteurs dans la réalisation de l’expérience pour améliorer leur accueil et leur accompagnement (analyse comportementale).

Une grille d’analyse et d’observations peut permettre d’analyser les pratiques et usages des publics d’un dispositif immersif. Cette analyse peut être accompagnée de prises de vues (photos / vidéos) pour illustrer de façon factuelle les observations réalisées.

Cette analyse peut être réalisée suite au lancement d’un dispositif immersif. Elle permet de voir comment les visiteurs se comportent durant l’expérience : sont-ils à l’aise lorsqu’ils sont équipés ? Sont-ils confortablement installés ou déambulent-ils aisément (dans le cas d’un parcours) ? Nécessitent-ils un accompagnement complémentaire au début ou au cours de l’expérience ? Comment interagissent-ils entre eux durant ou à la fin de l’expérience ? Comment se sentent-ils une fois celle-ci finie ?

Pour que cette étude soit la plus fine possible, elle nécessite d’être reproduite sur différentes périodes d’analyse et auprès d’un panel diversifié de visiteurs. Pour réaliser ces observations, un journal de bord peut, par exemple, être remis aux personnes chargées de l’accueil des publics afin de noter quotidiennement les retours d’expériences, les commentaires entendus par les visiteurs ou les ajustements à réaliser. 

Cette analyse peut s’enrichir d’une analyse des données billetterie et d’une étude des publics plus approfondie (sur la base d’entretiens et / ou de questionnaires).

  • 2e niveau d’évaluation : mieux connaître les publics et les pratiques d’une expérience immersive

Dans cette ambition, deux enjeux peuvent être distingués : d’un côté, mieux connaître les visiteurs intéressés par l’expérience immersive (enjeu n°1), puis, une  étude des usages et pratiques des visiteurs (enjeu n°2).

Enjeu n°1 – Mieux connaître les visiteurs intéressés par l’expérience immersive (données d’inscription et billetterie).

Pour garantir une fluidité d’expérience, de nombreux projets VR sont accessibles sur réservation. Les données recueillies à l’inscription sont précieuses pour mieux comprendre les typologies de visiteurs intéressés par ce type d’expérience.

Le recueil de ces données peut être régulièrement réalisé. Il peut permettre de suivre la date de réservation, le mode de visite (seul, en famille ou en groupe), le prix payé, les catégories d’âges intéressées par ce type d’expérience, et, éventuellement les autres offres sélectionnées. Ces données sont celles, par exemple, que recueille le Muséum national d’histoire naturelle à chaque inscription pour le cabinet de réalité virtuelle.

L’accès au cabinet de réalité virtuelle du Muséum national d’histoire naturelle via un billet horodaté.

Enjeu n°2 – Mieux étudier les usages et pratiques des visiteurs intéressés par l’expérience immersive (entretiens et sondages).

Selon l’effort envisageable par le lieu d’accueil d’une expérience VR, une évaluation des pratiques et usages peuvent être pragmatiquement proposée par l’intermédiaire d’un questionnaire mis à la libre disposition des visiteurs (format papier ou en ligne) ou administrés par les médiateurs. Si les enjeux et la possibilité opérationnelle de dégager du temps ou un budget le permettent, une analyse plus approfondie et qualitative peut être envisagée par le biais d’entretiens. 

En 2018 / 2019, dans le cadre de l’expérience VR L’obsession des Nymphéas accueillie en ses murs pour l’exposition Clémenceau / Monet, le Musée de l’Orangerie avec Lucid Realities a mis en place une campagne de questionnaires diffusés par les facilitateurs de l’installation. Parmi les réponses recueillies, des indications ont permis, à la fois, de mieux cerner les publics de cette expérience mais aussi d’évaluer l’expérience en tant que tel. Du côté des données sur les visiteurs, l’étude a permis de définir des profils-types d’usagers :  41% étaient des publics internationaux (seulement 20% de parisiens et franciliens), 51,3 % n’avaient jamais testé une expérience en VR, 71 % étaient des hommes, en majorité âgés de 11 à 27 ans. Du côté de l’expérience, les réponses recueillies permettent  de mettre en avant que 86% ont beaucoup apprécié l’expérience proposée. Ils ont particulièrement apprécié : l’appui apporté par les facilitateurs, la facilité d’utilisation du dispositif ou le fait d’apprendre quelque chose. Apprentissage tout autant fondamental : cette expérience en réalité virtuelle leur a donné envie (à plus de 60%) de redécouvrir les œuvres physiques. Un tel résultat est en phase avec une étude anglaise menée en 2016 sur le Musée d’étain de Geevor démontre qu’une expérience en réalité virtuelle hors les murs d’un musée donne envie  de le visiter (pour retrouver cette étude, bibliographie sur les Dispositifs immersifs réalisée dans le cadre d’une étude entre Mêtis / Universcience).

Extrait des données issues du questionnaire diffusé lors de l’expérience Claude Monet – L’obsession des Nymphéas – Musée de l’Orangerie

Pour affiner les résultats d’un questionnaire ou d’un sondage, un panel de publics peut aussi être interrogé sous la forme d’entretiens. Ce mode d’enquête permet de recueillir des verbatim sur les ressentis des visiteurs après une expérience. Dans le cadre d’une enquête des publics autour du thème de l’espace et des usages des outils numériques immersifs pour Universcience, l’association Mêtis a ainsi réalisé des entretiens semi-directifs auprès de 20 visiteurs âgés de 26 à 75 ans recrutés pour moitié à la Cité des Sciences et de l’Industries et pour moitié au planétarium et au Muséum d’Histoire naturelle de Marseille. Le choix de cette méthode a été justifié par la nécessité d’identifier des « besoins, attentes ou positionnements non anticipés, sur des sujets peu explorés par la littérature scientifique ». A propos de la réalité virtuelle, cette étude a permis à Universicence de souligner la curiosité qu’ont les visiteurs, majoritairement n’ayant jamais testé d’expérience en réalité virtuelle, sur les dispositifs numériques immersifs, en partie grâce à leur caractère de nouveauté. Ces entretiens permettent ainsi de recueillir des données en amont d’une expérience immersive  sur les attentes des visiteurs et en aval sur leurs retours d’expériences.

  • 3e niveau d’évaluation : évaluer ce qu’apporte une expérience immersive à un lieu (notoriété, marque, développement des publics).

Cette évaluation est essentielle pour voir dans quelles mesures une expérience VR peut accroître la notoriété d’un lieu d’accueil (enjeu n°1) ou contribuer au développement de ses publics (enjeu n°2).

Enjeu n°1 – Accroître la notoriété d’un lieu d’accueil (analyse des supports de communication).

La notoriété est complexe à mesurer de façon précise. En revanche, un ensemble d’indicateurs peuvent être analysés pour mesurer la contribution d’une expérience VR à la notoriété d’un établissement: suivi du nombre de retombées presses (si une campagne presse a été mise en oeuvre), évolution des pages Web, publications réseaux sociaux ou taux d’ouverture et de clics des infolettres consacrées à cette expérience, etc.

Le recueil de ces données peut être réalisé durant les temps forts de la communication d’un lieu d’accueil sur son expérience VR. Il peut consister à suivre l’évolution du trafic de son site internet (particulièrement la page dédiée de présentation ou de billetterie), des mentions de ce projet qui sont faites sur le Web ou dans ses communautés sur les réseaux sociaux. D’une façon plus qualitative, une analyse des verbatims sur les réseaux sociaux du lieu d’accueil, Trip Advisor ou Google Avis peut être envisagée.

Enjeu n°2 – Contribuer au développement des publics d’un lieu d’accueil (données billetterie / réservation / Sondages / entretiens).

L’analyse des données billetterie peut être envisagée pour évaluer le développement des publics lié à une expérience immersive. Comme évoqué ci-dessus dans cet article, différentes données concernant les visiteurs peuvent être recueillies lors de leurs inscriptions ou l’achat de leurs billets. Des sondages ou des entretiens peuvent venir compléter in situ ces données recueillies. 

Ainsi, la Cité de l’architecture qui, a accueilli l’expérience en réalité virtuelle ScanPyramids en 2019 et 2020, rappelle que sur les 1 000 sessions enregistrées environ,57% des visiteurs  n’avaient jamais visité l’établissement auparavant (pour en savoir plus, consulter l’article La réalité virtuelle à l’assaut des musées du Quotidien de l’art). Le développement de nouveaux publics tant pour réaliser cette expérience immersive que pour découvrir les autres offres culturelles d’un lieu d’accueil sont, par conséquent, autant de potentielles ressources économiques pour un lieu d’accueil.

ScanPyramids, le projet VR accueilli en 2019 / 2020 à la Cité de l’architecture. ScanPyramids VR © DR

L’évaluation d’une expérience immersive peut donc s’envisager par la mobilisation d’une variété d’outils. L’expérience en tant que telle peut être analysée dans son espace d’accueil et grâce à l’observation comportementale des visiteurs. Elle peut aussi s’enrichir d’un ensemble de moyens tant qualitatifs que qualitatifs : données billetterie / inscription, analyse des supports de communication, sondages, entretiens, etc. Ces différentes approches peuvent permettre d’améliorer sur le court terme une expérience proposée mais aussi (sur un plus long terme) mieux déterminer ce que la VR peut apporter aux lieux qui l’accueillent.

Antoine ROLAND et Baudouin DUCHANGE

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